« Ma vie a été remplie de catastrophes dont la plupart n’ont jamais eu lieu. »

MARK TWAIN

Le stress ? Nombreux sont ceux qui en parlent, et qui l’expérimentent. Nous croisons tous sa route un jour, et pour certains, assez régulièrement, sous différentes formes. Les changements dans notre vie sont source de stress, comme un déménagement, une promotion professionnelle, un départ à la retraite, la naissance d’un enfant, ou bien un mariage ou une séparation.

Le stress est une expérience individuelle et personnelle. Chacun le gère à sa manière et aura des réactions différentes à une même expérience : une attraction comme le grand huit peut paraître terrifiante pour l’un, et stimulante pour un autre.

Partons à la rencontre du stress pour mieux le comprendre…

QU’EST-CE QUE LE STRESS ?

Le stress est la réponse de l’organisme qui tente de s’adapter aux exigences de l’environnement.

D’après le médecin et chercheur Hans Selye en 1956, le stress vient d’une altération de notre faculté d’adaptation aux changements de l’environnement. Lorsque notre équilibre est brutalement menacé, nous déclenchons des réactions biologiques et comportementales.

Le stress est une question d’équilibre. Si nous avons suffisamment de ressources pour aborder aux stimulations extérieures et intérieures, nous gérons sainement les évènements. En revanche, le stress apparait lorsque nous percevons cette sollicitation extérieure comme supérieure à nos capacités de réponses.

L’impact du stress dépend de sa durée et de la façon dont il est géré. Il devient un problème lorsque nous avons le sentiment de ne plus pouvoir maitriser la situation. La charge qui repose sur nous est plus importante que notre possibilité ou notre estimation de la dite possibilité de la supporter.

Lazarus (1984) exprime le stress comme une résultante d’un rapport personnel :

stress = menace potentielle ressentie ÷ capacité pour affronter cette menace

Selon cette équation, le stress sera d’autant plus élevé que l’estimation faite par la personne de la menace présentée par la situation est forte et/ou que le sentiment de sa capacité à y faire face est faible.

QUAND LE STRESS INTERVIENT-IL ?

Le stress provient d’un défaut d’adaptation par résistance au changement. Cette résistance peut être la conséquence d’une absence ou d’une déformation de la perception de la situation ; ou bien d’une incapacité à transformer par rigidité, qu’elle soit mentale, émotionnelle ou physique.

Par exemple, une situation perçue comme une menace personnelle du fait de son imprévisibilité, de sa nouveauté, ou d’un sentiment de manque de contrôle, va être vécue comme stressante, voire angoissante ou cause de panique.

LA PEUR ET LE STRESS

La peur est le sentiment principal qui nous fait nous couper de la situation présente, cette séparation de l’ici et maintenant nous empêche toute possibilité de nous adapter au changement. Or la vie est changement permanent. Ne pas s’adapter à la vie c’est y résister et donc souffrir.

On identifie 4 groupes de peurs fondamentales, donc génératrices de stress :

  • La peur du danger, de la catastrophe, de la mort : c’est la croyance que quelque chose d’horrible va arriver. Cela inclut les angoisses de séparation (la peur de perdre ceux qu’on aime).
  • La peur de l’évaluation : un signe d’anxiété sociale, correspondant à une peur d’être observé et jugé. Une illustration en est le mutisme sélectif, qui est une incapacité à parler dans certaines situations.
  • La peur de perdre le contrôle : les crises de panique ; ou bien l’agoraphobie qui pousse à l’extrême cette peur au point d’éviter les lieux publics pouvant déclencher une crise.
  • La peur de l’incertitude : ne pas savoir ce qui va se passer. On retrouve les Troubles Anxieux Généralisés, ou bien les Troubles Obsessionnels du Comportement (TOC), une fixation excessive sur les impulsions et les pensées.

Le stress résulte d’interprétations biaisées de notre environnement et de distorsions cognitives qui nous font déformer la réalité et interpréter les situations comme des menaces

D’OÙ VIENT LE STRESS ?

Nos réactions au stress ont une base biologique, physique, et également une composante psycho-émotionnelle.

Une partie est héritée génétiquement. D’après des études scientifiques, si nos parents sont anxieux, nous sommes plus susceptibles de l’être. Les femmes sont également deux fois plus sujettes aux troubles anxieux que les hommes.

L’équilibre chimique de notre cerveau joue aussi un rôle : les sujets anxieux ont peu de sérotonine. Le déficit de ce neurotransmetteur est également responsable de la dépression. D’autres éléments chimiques sont également en jeu, comme la dopamine, noradrénaline, gaba.

L’anxiété peut provenir d’expériences traumatiques, induisant des réactions émotionnelles négatives à la situation. Le cerveau est une machine à associer des idées, essentiellement sous forme d’images. Les anxieux généralisent excessivement leurs expériences négatives, transformant l’inoffensif en irrationnel et effrayant.

SES EFFETS SUR NOTRE CORPS ET NOTRE ESPRIT

Un corps qui s’apprête à affronter une menace et se battre ou fuir, se manifeste via une multitude de signaux. En voici une liste des plus fréquents :

  • Signaux comportementaux : irritabilité, impulsivité, agitation, crises de larmes, repli/isolement, négligence, soupirs, tabagisme important, prise de médicaments, boulimie, anorexie, apathie, plaintes, consommation d’alcool, se ronger les ongles, cynisme…
  • Signaux physiques : respiration rapide, fatigue, manque d’énergie, crampes, maux de tête, hypertension, maux de dos, maux de ventre, constipation, transpiration, rythme cardiaque accéléré, trouble sexuel, bouche sèche, tremblement, confusion, bouffée de chaleur, nausées, picotements/fourmillements…
  • Signaux émotionnels et psychologiques : angoisse, panique, sentiment de solitude, dépréciation personnelle, sentiment d’impuissance, fatigue morale, incertitude, honte, culpabilité, émotivité importante, ruminations, perte d’intérêts, frustration, insatisfaction, trouble de la concentration, trouble de la mémoire, obsessions…

Pour certains signaux, il s’agit de mécanismes réflexes du corps pour se préparer face à la menace. Le cœur qui s’emballe permet d’augmenter la pression artérielle pour dilater les vaisseaux sanguins afin que les muscles nécessaires à la fuite soient irrigués en oxygène plus rapidement. Alors, les muscles se tendent pour être prêts à l’action. Parallèlement, l’augmentation du rythme respiratoire élargit les poumons. Les pupilles se dilatent pour avoir une vue d’ensemble, et la vision périphérique rétrécit pour se concentrer sur la menace. D’autres systèmes diminuent leur activité, comme la digestion et la reproduction, car le flux sanguin est détourné de l’estomac, de la peau et des nerfs impliqués dans l’excitation sexuelle, sont éteints.

Ainsi, des sentiments tels que la peur, la détresse, l’angoisse, peuvent être les signes d’un organisme envoyant l’énergie aux muscles des cuisses pour se sauver et fuir.

COMPRENDRE LES 3 PHASES DU STRESS

Hans Selye, en 1936, a décrit trois stades de la réponse au stress. Ces phases sont en grandes parties contrôlées et régulées par le système nerveux et le système endocrinien (ensemble des organes ayant la capacité de relâcher des hormones dans le sang).

La réaction d’alarme est la réaction initiale au stress. La réponse de l’organisme au stress est déclenchée par l’hypothalamus qui active la division sympathique de notre système nerveux autonome, stimulant à son tour la libération d’adrénaline et noradrénaline via nos glandes surrénales. Cela nous permet une réaction immédiate de notre corps à la fuite ou la lutte. Ce mécanisme décuple temporairement des réflexes, nos perceptions (dilatation des pupilles), notre force musculaire, une accélération du rythme respiratoire et cardiaque, ainsi qu’une réduction de la digestion et de la production d’urine.

La phase de résistance commence au moment où nos réserves de glycogène du foie sont épuisées, soit plusieurs minutes après la première phase. Cette étape sert à fournir le glucose nécessaire à l’accroissement de nos besoins énergétiques, qui est un combustible essentiel pour nos tissus nerveux, dans le but d’entreprendre des actions appropriées, comme courir 5km ou assommer le lion qui nous chasse. Une succession de mécanismes se mettent alors en place pour augmenter notre concentration de sucre dans le sang, dont la hausse d’acides gras et d’acides aminés, de cholestérol… Durant ce processus, notre organisme libère de nouvelles hormones, dont le cortisol, les endorphines, la dopamine et sérotonine.

La phase d’épuisement survient quelques semaines ou mois plus tard, alors que les réserves de gras s’épuisent. Le corps devient progressivement plus faible. Cette phase entraine des déséquilibres métaboliques et physiologiques, provoquant la défaillance de certains organes, et pouvant, dans des cas extrêmes, causer la mort.

SE SCANNER SOI-MÊME

Afin d’avoir une évaluation précise de notre stress, nous pouvons utiliser une échelle mesurant son niveau. Cette estimation va étalonner les évènements que nous avons rencontré au cours des 12 derniers mois. Cet outil a été mis au point par les psychiatres Thomas Holmes et Richard Rahe en 1967.

LES REMÈDES NATURELS ET MENTAUX DU STRESS

La prise de conscience du phénomène « stress », qui peut être aidée par la connaissance des mécanismes ci-dessus, peut nous amener à transcender, dépasser, nos addictions médicamenteuses ou autres (alcool, tabac, sucre, THC…) qui se révèlent au mieux des solutions palliatives avec de nombreux effets secondaires et collatéraux.

Alors voici une liste non exhaustive de techniques de prise de conscience adaptées au stress :

Les exercices physiques sont notre meilleure drogue légale pour prévenir et gérer le stress. Le sport est considéré comme un tranquillisant naturel, car il déclenche la libération d’endorphines (substances analgésiques puissantes pouvant circuler dans le sang plusieurs heures). Mais attention, pour optimiser les effets antistress du sport, l’activité physique doit être suffisamment régulière, intense et durable pour avoir un impact significatif sur nous. Gardez en tête les précautions nécessaires en fonction de votre état de santé. Voici les éléments nécessaires :

  • L’exercice doit être aérobique, c’est-à-dire qu’il fasse travailler plusieurs groupes de muscles avec des mouvements continus et rythmés sans interruption, pendant un certain laps de temps) ;
  • Une fréquence de 3 à 5 fois par semaine ;
  • Une durée d’exercice physique entre 20 et 30 minutes par session d’entrainement ;
  • L’intensité de la fréquence cardiaque, en fonction de notre âge et pour une durée de 10 minutes. On peut la calculer via la formule suivante : (220 – votre âge) x 0,75. Votre condition physique est à prendre en compte également.
AgeFréquence pulsatile
20-29145-164
30-39138-156
40-49130-148
50-59122-140
60-69116-132
Tableau 1. Fréquence pulsatile idéale pour gérer le stress.

La visualisation et l’imagerie sont des outils mentaux qui, sous une apparence banale, sont à utiliser néanmoins avec précaution. En effet, lorsqu’on travaille sur une angoisse, une peur, ou bien du stress, il est impératif de se visualiser dissocié de son corps, pour ne pas s’infliger des émotions négatives insupportables.

Notre respiration joue également un rôle fondamental, car c’est la seule fonction de notre corps qui est à la fois consciente et subconsciente. La plupart du temps nous sommes bloqués en inspiration. Seule l’expiration permet le lâcher-prise. L’approfondissement respiratoire se retrouve dans toutes les pratiques traditionnelles de développement de notre potentiel humain (yoga, arts martiaux, soufisme, taoïsme, callisthénie grecque…). Un exemple plus moderne est représenté par la cohérence cardiaque, renforçant notre système parasympathique qui constitue l’antidote majeur du stress.

Les Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) permettent de modifier les pensées et comportements négatifs. Il y a une technique spécifique des TCC qui est utilisée pour les anxieux, il s’agit de l’exposition. Elle consiste en la création de scénarios activant nos peurs afin de s’y confronter, dans la réalité ou en imagination, pour déconditionner les associations qui avaient été faites.  

La restructuration cognitive via le self-talk (dialogue interne). Nous avons tendances à généraliser, omettre ou distordre nos pensées, nous donnant une illusion de maîtrise de notre environnement. Mais lorsque nous sommes stressés, nous avons encore plus besoin de contrôle, et nous surgénéralisons et distordons davantage, rendant nos pensées parfois irrationnelles, négatives, et amenant à la création de croyances limitantes. L’attention portée à un discours interne positif atténuera nos ruminations, pensées automatiques négatives et induira des croyances plus congruentes.

Un corps en bonne santé a plus de chances de répondre aux stresseurs de la vie, et une nutrition adaptée détermine une protection supplémentaire contre les agressions. Voici quelques éléments d’une alimentation positive et antistress :

  • Inclure des sucres lents à chaque repas (pâtes, céréales, riz complets…). Ils augmentent le niveau de sérotonine dans le cerveau, améliorant ainsi notre humeur ;
  • Réduire notre consommation de glucides et sucres rapides (gâteaux, sodas, barre chocolatées, bonbons…). Ces excès peuvent provoquer diabète ou au contraire des hypoglycémies, et leurs symptômes peuvent se révéler semblables à ceux du stress (nervosité, palpitation, sensation de faiblesse, irritabilité…). Ce qui va constituer un stress supplémentaire d’origine endogène ;
  • Manger suffisamment de protéines, notamment des aliments riches en tryptophane, précurseur de la sérotonine, régulatrice du sommeil et de la sérénité ;
  • Manger des légumes : la combinaison de vitamines et nutriments offre une meilleure résistance au stress ;
  • Se recharger en potassium (lait, graines germées, amandes, noix, banane…). Ce minéral permet à nos muscles de se relaxer ;
  • Limiter notre absorption en sel. Le sodium sert à réguler l’équilibre de notre pH et à contrôler notre activité musculaire. Cela nous aidera également à combattre l’hypertension et la rétention d’eau ;
  • Réduire notre consommation de caféine, car elle peut précipiter des états d’anxiété et de stress via des mécanismes amenant à une mise en alerte de notre système nerveux sympathique. De plus, elle nous prive de la vitamine B1, connue pour ses vertus antistress. De plus, le café est diurétique et déshydrate ;
  • L’alcool, avec modération. Très calorique et pauvre en nutriment, elle épuise nos vitamines B1 et B6 essentiellement (indispensables à la régénération nerveuse) altère la glycémie, augmente notre pression artérielle… ;
  • Manger calmement et en pleine conscience. Apprendre à savourer les textures, les goûts, les couleurs de notre repas. L’alimentation est notre carburant, mais il ne suffit pas de manger sain. Par la mastication, nous broyons nos aliments et commençons à « casser » les grosses molécules et digérer les sucres. C’est la première étape de la digestion, et si elle n’est pas faite, elle va être compensée par l’estomac et l’intestin, leur impliquant une surcharge de travail supplémentaire.
  • Bien s’alimenter c’est aussi manger de façon variée, boire de l’eau riche en minéraux, ajouter des acides gras essentiels comme les omega-3 (saumon, sardines, maquereau, anguille, huile de noix, de lin ou de colza…).

On retrouve également la mindfulness (pleine conscience), qui propose un programme centré sur la réduction du stress, le MBSR.

Ilardi résume simplement ces données en rappelant qu’avoir une bonne hygiène de vie avec un sommeil réparateur, s’exposer à la lumière du soleil, en complément d’une bonne alimentation et d’exercice physiques, est essentiel dans la bonne gestion organique du stress.

Le psychiatre David Servan-Schreiber propose d’ajouter d’autres techniques, comme l’EMDR (traitement thérapeutique par les mouvements oculaires) ou bien l’acupuncture.

On pourra bien évidemment utiliser de façon synergique les différentes techniques évoquées ci-dessus.

On peut imager le stress comme étant la résistance qu’oppose la route à la rotation des pneus d’une voiture. On comprend tout de suite qu’une trop grande résistance va user prématurément et faire chauffer le moteur… mais il est important également de voir que l’absence totale de résistance serait comme une voiture roulant sur du verglas.

Ainsi, le stress Juste n’est-il pas celui qui permet d’avancer, de progresser, sur notre Voie.

« Ne laisse pas les mauvaises pensées paralyser ton esprit. Apprends-leur la danse. »

PROVERBE INDIEN

SOURCES

David SERVAN-SCHREIBER. (2011). Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse. Pocket.

Laurence BIBAS. (2012). Manuel de Mindfulness, Pratique et méditations de pleine conscience. Groupe Eyrolles.

Michael P. MCKINLEY, Valerie DEAN O’LOUGHLIN, & Theresa STOUTER BIDLE. (2014) Anatomie et Physiologie, une approche intégrée. Maloine.

Patrick AMAR & Silvia ANDRÉ. (2013). J’arrête de… stresser ! Groupe Eyrolles.

Stephen ILARDI. (2010). The Depression Cure : The Six-Step Programme to Beat Depression Without Drugs. Vermillon.