« La vie est une succession de moments à vivre mais si nous ne les vivons pas, quelle est notre vie ? »
JON KABAT-ZINN
Le stress et ses conséquences désagréables font partie du vécu de chacun d’entre nous. Les sensations perturbantes telles que votre cœur qui s’emballe, ce nœud à l’estomac, ces mains moites, cette bouche sèche, ou bien ces jambes « coupées » ou lourdes, pendant une compétition, une présentation en public ou un entretien avec un supérieur… Il s’agit d’un circuit neuronal vicieux auto-entretenu. Antoine Lutz affirme que ces « vagabondages de l’esprit », qui ressassent le passé ou se projettent sans cesse dans un futur inexistant, représenteraient 30 à 40% de notre activité mentale quotidienne.
Centrer son esprit est le propos de la méditation (du latin meditare : être conduit au centre).
Il existe plusieurs types de méditations, par exemple : la méditation transcendantale, où l’idée est de répéter un mantra, un mot ou un son, jusqu’à ce que la pensée soit complètement transcendée ; la méditation dynamique qui est censée briser nos vieux schémas de pensée ; et la méditation religieuse à travers la contemplation en silence des Textes, ou des formes de prières rituelles pour se rapprocher de Dieu.
Les plus anciennes formes de méditation prennent leurs sources au début de l’hindouisme. La pleine conscience que nous connaissons actuellement en occident s’est fortement inspirée de la technique originelle : Satipathana.
LA PLEINE CONSCIENCE, C’EST QUOI ?
Satipathana se décompose en trois signifiants : Sati désigne « attention, se souvenir », Pa veut dire « dedans », et Thana a pour sens « garder ». On obtient alors Garder son attention à l’intérieur.
La pleine conscience ou Mindfulness, est une forme de méditation inspirée par le bouddhisme et le yoga. C’est un art de vivre l’instant présent pleinement, harmonisant le corps et l’esprit et laissant s’exprimer paix et authenticité.
À QUOI ÇA SERT ? QU’EST-CE QUE JE PEUX EN ATTENDRE ?
Notre mental est perturbé par des distractions de toutes sortes, une agitation continuelle provoquant stress, anxiété, épuisement et insomnies qui peuvent entrainer souffrances et douleurs, appauvrissement des relations humaines, états dépressifs ou bien maladies chroniques (nerveuses ou physiques).
Un programme de Mindfulness permettra de retrouver ou découvrir paix et sérénité, en brisant le cercle du mal-être, de l’insatisfaction, et contribuer à s’épanouir dans une véritable joie de vivre. La pleine conscience se chargera d’améliorer vos capacités attentionnelles et de lâcher-prise, votre lucidité, ou bien la gestion de vos émotions.
Toutes ces notions sont intégrées dans la mindfulness, en développant la conscience du corps et de ses sensations, y compris douloureuses, en facilitant la reconnexion avec lui.
À QUI EST-CE DESTINÉ ?
Tous ceux qui souhaitent développer leurs ressources naturelles, apprendre à « être » plutôt qu’à faire. A ceux qui souhaitent cesser de se disperser et procrastiner, ceux qui souffrent de ne plus savoir apprécier le moment présent, ou qui ont la sensation d’être bloqués dans le passé ou égarés dans le futur.
QUAND L’UTILISER ?
Au début, vous l’utilisez dans le cadre de l’apprentissage dans un endroit calme, généralement chez vous. Avec l’expérience, après avoir intégré la faculté à vivre le moment présent, il vous sera possible et naturel de l’employer n’importe où, n’importe quand (au travail, dans le bus, en mangeant, en respirant…).
COMMENT ÇA FONCTIONNE ?
EN PRATIQUE
Classiquement, on s’initie à la pleine conscience par un programme de plusieurs semaines.
Le premier programme a été créé par Jon Kabat-Zinn en 1979, nommé Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Il s’applique donc au stress au sens large, c’est-à-dire à nos résistances par perte d’adaptation aux changements de la vie.
Il existe différentes déclinaisons de ce programme. En voici une liste non exhaustive :
- La Mindfulness Based Cognitive Therapy (MBCT) développé par Zindel Segal, Mark Williams et John Teasdale (2000), offre une solution aux ruminations mentales, causes principales de rechute des épisodes dépressifs ;
- Le Mindfulness Acceptance Commitment Approach (MAC) créé par Gardner et Moore une première fois en 2004 puis amélioré en 2007, a été construit autour du développement de l’habileté de pleine conscience et d’une attitude de non-jugement envers son expérience interne et externe, afin d’améliorer les performances athlétiques.
- L’Acceptance and Commitment Therapy (ACT) (ou Thérapie d’acceptation et d’engagement) élaborée par Hayes, propose de rééquilibrer la psychothérapie afin de moins lutter contre et de plus œuvrer pour : dans le but d’un meilleur fonctionnement et promouvoir une vie plus en accord avec ses propres valeurs.
- La Mindful Sport Performance Enhancement (MSPE) de Kaufman, Glass et Arnkoff, créé en 2009, est un programme conçu pour améliorer les performances athlétiques et aspects psychologiques du sport.
La pratique de la pleine conscience est un engagement : il s’agit d’une progression sur huit séances hebdomadaires d’1H30. Tout en pratiquant quotidiennement la Mindfulness chez soi, sous la forme de méditations et d’exercices d’intégrations, pour un total d’environ 40 minutes.
UN EXEMPLE DE PROGRAMME DE MINDFULNESS : celui du MBSR
La première semaine introduit la méditation du scanner corporel ou Body Scan. Cette méditation vous invite à déplacer votre conscience dans les différents étages de votre corps et à scanner littéralement les sensations que vous y découvrez. Cette simple méditation met en évidence la différence entre penser à une sensation et la ressentir directement : elle pose les bases du reste du programme. Cet exercice est également un moyen extrêmement puissant de soulager le stress.
La deuxième semaine introduit une méditation sur la respiration. Celle-ci vous aidera à prendre conscience de vos pensées, sentiments et émotions au fur et à mesure qu’ils se présentent à vous. Se concentrer sur la respiration permet de dissoudre lentement l’anxiété, le stress et la dépression, en stimulant l’aspect parasympathique ou « calmant » du système nerveux, ce qui favorise la guérison physique.
La troisième semaine propose une méditation de mouvements conscients. Largement basés sur le yoga et le Pilates, ils inverseront les processus d’inactivité liés au stress et à la dépression, et vous aideront à retrouver votre confiance. La troisième semaine vous encourage également à faire preuve d’attention, de gentillesse et de compréhension envers votre corps tout au long de vos activités quotidiennes habituelles.
La quatrième semaine vous encourage à vous tourner vers vos difficultés, plutôt que d’essayer de les éviter. Cela permet d’affronter doucement vos problèmes et à accepter les choses que vous ne pouvez pas changer, pour l’instant, ainsi qu’à réduire, surmonter ou transformer celles qui appartiennent à votre sphère d’influence.
La cinquième semaine vous donne les outils pour rechercher les expériences agréables souvent masquées derrière une souffrance. Concentrer votre pleine conscience sur des plaisirs aussi simples que la chaleur de vos mains ou le goût de votre plat préféré peut transformer votre douleur, modifier vos perceptions quant à votre souffrance.
La sixième semaine aborde la méditation à cœur ouvert, qui est le prolongement des 2 semaines précédentes. Cela vous aidera à vivre en plus grande harmonie avec le monde, plutôt que de réagir à celui-ci.
La septième semaine développe votre sens de la bonté et de la compassion, en travaillant consciemment sur la connexion aux autres. Technique intéressante pour faire disparaitre le sentiment d’isolement, qu’on retrouve dans toute souffrance chronique, physique ou psychique.
La huitième semaine marque le début de votre nouvelle vie. Elle passe en revue l’ensemble du cours et vous aide à construire un programme de pleine conscience qui soit durable à long terme. Et vous rappelle des éléments fondamentaux : même si vous ne pouvez pas contrôler ce qui se passe dans votre vie, vous pouvez choisir la façon dont vous réagissez.
DANS LE CERVEAU

Une multitude de photographies cérébrales ont été réalisés sur des experts en méditation via des IRM, afin de comprendre le fonctionnement de la pleine conscience dans notre cerveau.
Le Réseau du Mode Défaut (RMD), incluant le Cortex Préfrontal médian (CPm) et le Cortex Cingulaire Postérieur (CCP), sont des zones du cerveau qui se chargent des souvenirs du passé, et de l’imagination du futur. C’est ici que vont s’activent les ruminations, les peurs, par exemple. Notre Cortex Préfrontal dorsolatéral (CPd) est une des aires importantes pour la concentration et le contrôle de nos comportements (contrôle exécutif). La pleine conscience le recrute fortement, car en la pratiquant, on cherche à porter notre attention sur le moment présent : on développe alors notre capacité de concentration. Les études montrent que la méditation donne lieu à un renforcement du lien entre le CPd et RMD, les zones du RMD devenant moins actives.
L’amygdale, notre centre émotionnel, est utilisé différemment chez les experts ou chez les novices en mindfulness. En effet, cette zone du cerveau est fortement recrutée par les novices car ils anticipent la douleur, tandis que les experts en méditation cessent toute rumination mentale : ils voient la douleur comme un évènement neutre. Le Cortex Préfrontal ventro-médial (CPvm) est quant à lui une partie régulatrice du cerveau, qui est renforcée par la méditation en pleine conscience. Les nouvelles connexions entre l’amygdale et le CPvm permettent d’expliquer le fonctionnement cérébral des experts, et le fait que cette réorganisation neuronale favorise une meilleure gestion du stress et de ses conséquences. On comprend alors que ces experts développent une capacité non pas à contrôler les évènements de leur vie, mais plutôt leurs réactions à ceux-ci.
La mindfulness aide à créer une autre vision de soi-même et du monde chez les personnes qui la pratiquent, en modifiant l’estime de soi, la perception de l’ego, la gestion des troubles tels que dépression et anxiété, ainsi qu’une plus grande tolérance envers le monde et soi-même. Le sentiment de notre identité résulte surtout de notre perception du passé et de l’avenir – c’est le travail des RMD. Cette identité est modulée et relativisée chez les experts, tandis que très sollicitée et subie chez les dépressifs et les anxieux.
Les bénéfices de la méditation en pleine conscience pour notre bien-être et santé physique et psychologique, sont donc principalement dus au fait que cette pratique mentale exploite nos capacités à créer de nouvelles connexions neuronales.
« Une demi-heure de méditation est essentielle chaque jour, sauf quand on a une vie très occupée. Dans ce cas, une heure est nécessaire. »
SAINT FRANCOIS DE SALLES
SOURCES & REFERENCES
Gardner, F.L., & Moore, Z.E. (2007). The psychology of enhancing human performance: The Mindfulness-Acceptance-Commitment (MAC) approach. New York: Springer Publishing.
Hayes, S. C., Strosahl, K. & Wilson, K. G. (1999). Acceptance and Commitment Therapy : An experiential approach to behavior change. New York : Guilford Press.
Kaufman, K.A., Glass, C.R., & Arnkoff, D.B. (2009). An evaluation of Mindful Sport Performance Enhancement (MSPE): A new mental training approach to promote flow in athletes. Journal of Clinical Sport Psychology, 4, 334-356.
Laurence BIBAS. (2012). Manuel de Mindfulness, Pratique et méditations de pleine conscience. Groupe Eyrolles.
Teasdale, J.D., Segal, Z.V., Williams, J.M.G., Ridgeway, V.A., Soulsby, J.M., & Lau, M.A. (2000). Prevention of relapse/recurrence in major depression by Mindfulness-Based Cognitive Therapy. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 68, 615–623.
Vidyamala BURCH & Danny PENMAN. (2013). Mindfulness for Health, a practical guide to Relieving pain, Reducing stress and Restoring wellbeing. Piaktus.